Sébastien Tellier
Lunettes noires, comme toujours, petite chemise de saison, pantalon blanc taché à la sauce tomate… Sébastien Tellier dans toute sa grandeur donnait une conférence de presse a l’occasion de son passage à Cannes pour le festival Pantiero. Ça tombe bien, lefondetlaforme.fr y était…
Note : L’ensemble des questions posées sont celles des journalistes présents à la conférence de presse, ce qui explique notamment une certaine déstructuration de l’interview, les propos étant relatés tels quels.
-
Clip audio : Le lecteur Adobe Flash (version 9 ou plus) est nécessaire pour la lecture de ce clip audio. Téléchargez la dernière version ici. Vous devez aussi avoir JavaScript activé dans votre navigateur.
Remontons aux origines, à 6ans, petite guitare noire ensuite une batterie puis un synthé… est-ce que l’on peut dire que c’est un peu papa qui vous a mis le pied à l’étrier ?
Sébastien Tellier : Euh oui Papa… enfin Papa et Maman (rires). Souvent les parents veulent que leurs enfants deviennent médecin ou ce genre de truc mais eux voulaient que je devienne musicien. Ils m’ont poussé à faire de la musique et en même temps j’aimais vraiment ça donc ça a toujours été un plaisir. Par contre, ce qui est moins bien, c’est que ça m’a complètement coupé des autres puisque le week-end, au lieu d’aller faire je ne sais quoi comme du bicross, du skate.. je faisais de la musique dans ma chambre. La musique c’est un truc, pour moi en tout cas, tellement perso que je vis de façon tellement intense que j’avais l’impression d’être complètement déconnecté de la réalité euaahhhaa ! (rires) pardon je suis déchaîné aujourd’hui ! Et donc, c’est vrai que j’ai eu beaucoup de chance quand même parce que mes parents pouvaient m’acheter des instruments, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. A 12ans j’avais mon premier home-studio, c’était fabuleux.
Est ce que c’est difficile aujourd’hui de trouver des sons qui n’ont pas été déjà exploités ?
Sébastien Tellier : C’est très difficile d’autant plus que j’ai une théorie, c’est que tout existe avant que les artistes n’arrivent c’est à dire les notes, de toute façon la musique c’est mathématique donc tous les accords existent déjà, toutes les suites de notes existent déjà, rien qu’au niveau de la théorie. Donc finalement le rôle d’un artiste ce n’est pas de créer puisque c’est impossible de créer mais ce qu’il faut, c’est mélanger d’une façon différente. Et ce que j’essaye de faire, j’ai abandonné l’idée de création depuis longtemps, maintenant je me vois comme quelqu’un qui étudie, qui essaye des recettes…donc ce qu’on peut faire de neuf, c’est des mélanges. Après, on ne peut plus rien créer, malheureusement, c’est fini…
Il paraît que vous avez eu un coup de pompe récemment…
Sébastien Tellier : Oui ! Enfin… Ce n’est pas moi qui fait mon planning et parfois les gens qui font mon planning oublient le sommeil…(rires) Il n’y a pas de place pour le sommeil ni pour la nourriture. C’est à dire que les journées font vraiment 24heures de travail et parfois je suis trop fatigué pour faire ce que j’ai à faire. Il y a eu deux, trois fois effectivement… Je suis tombé, je crois, deux fois dans les pommes à l’aéroport de Moscou…je me suis dit qu’il fallait que je lève le pied et puis finalement je n’ai pas levé le pied et puis tout va bien. C’est vrai que c’est assez fatiguant les concerts, la promo,…etc mais je suis tellement chanceux de faire ça que ça me donne l’énergie de continuer et c’est quand même un plaisir…
Et vous ne risquez pas l’explosion à force d’enchaîner les dates ?
Sébastien Tellier : Et bien déjà, j’espère ne pas mourir, ce qui serait déjà pas mal. (rires) C’est bien d’être actif. De toutes façons quand je suis inactif je suis dépressif donc je suis mieux comme ça, c’est plus agréable et puis au moins chaque journée de ma vie, je construis quelque chose. Il n’y a pas de journée perdue, de temps perdu, pratiquement pas de minutes perdues… et ça c’est agréable car je me sens exister en fait. Je me sens, peut être pas utile mais présent et j’adore ça.
Un album sur la famille, très importante pour vous. Ensuite un album branché politique et un troisième sur le sexe… Plus que des thèmes que vous proposez, on a l’impression que vous même, vous êtes à la recherche de quelque chose.
Sébastien Tellier : C’est une forme de quête de vérité sauf que je cherche pas la vérité parce que je pense qu’elle n’existe pas. Je cherche à comprendre le pourquoi du comment on agit. Pourquoi on s’habille, se coiffe, s’organise… Je cherche le Master of Puppets. Au début, c’était la famille puis la politique et puis j’ai découvert que la façon dont s’habille, dont on se coiffe exprimait notre sexualité, à travers nos apparences et nos actes.
On trouve des clins d’œil aux Beach Boys et justement ce soir vous serez gâté puisque vous allez jouer au bord de la plage…
Sébastien Tellier : Oui c’est vrai, c’est très sympa. (Maintenant je ne parle que de sexe, puisque mon album parle de sexe… dit-il en en aparté). La plage, c’est souvent le lieu où l’on découvre l’amour. C’est la première fois, en tant que mec, que l’on voit des filles presque nues, en bikini. On est soi-même nu devant les autres. Il y a le soleil écrasant, l’odeur de la mer et pour moi tout ça c’est érotique. La plage c’est le parfait terreau du sexe idéal !
Est ce que l’Eurovision a été un tremplin pour vous ?
Sébastien Tellier : Oui enfin c’est grâce à l’Eurovision que je suis devenu plus connu. Avant on ne me reconnaissait pas dans les stations services. Ca ne change pas réellement ma vie mais c’est sympa quand même. Avant j’étais toujours considéré comme un chanteur élitiste, un peu hype machin… Je n’aime pas spécialement ça puisque le monde de la musique underground dispose de pleins de règles, de jugements, de questions, de réflexions… Alors que le monde de la pop est beaucoup plus simple. La seule question qui se pose c’est « j’aime ou j’aime pas » cette chanson. Cette simplicité, je la recherche et je la souhaite. Faire l’Eurovision, c’était aller complètement à l’écart de ce que j’étais avant. C’était une occasion parfaite d’exprimer ma liberté d’esprit par rapport à la musique.
Puisque l’on parle de l’Eurovision, il paraîtrait que vous auriez fait une version française qui au final dénaturait le morceau ?
Sébastien Tellier : Oui, c’est ce que je dis souvent c’est comme si on voyait la Joconde avec une moustache… J’ai changé des trucs dans la chanson mais ce n’était plus pareil. C’était moins bien. Je choisis toujours la langue de mes chansons en fonction de la mélodie. J’essaye de l’anglais, de l’espagnol, du français puis je choisis la langue qui fait le plus briller ma mélodie.
Tu as terminé 18ème de l’Eurovision. Tu es donc automatiquement relégué en deuxième division de la chanson européenne. Qu’est ce que ça te fait d’être avec Rika Zaraï, Nana Mouskouri…
Sébastien Tellier : Les deux-là, ce ne sont pas les pires, je peux t’en trouver d’autres…
Qui ? Des noms !
Sébastien Tellier : Non non…(rires) Je n’ai jamais eu l’impression de faire partie de ce concours, j’en ai profité, je me suis amusé mais je ne faisais pas la compétition.
C’était l’occasion de boire un coup aussi ?
Sébastien Tellier : Oui c’est vrai que… (rires) C’est vrai aussi ! Il y a beaucoup d’occasion de boire, ce midi par exemple. (rires) J’essaye de pas trop boire parce que ça me rend cinglé mais c’est vrai que là bas, j’ai pas mal picolé.
J’aimerai savoir comment vous vous préparez à la scène car personnellement je trouve qu’il y a quelque chose de très comique dans votre physique…
Sébastien Tellier : C’est vrai !
Vos lives sont assez drôles, quelle est votre intention en fait ?
Sébastien Tellier : J’essaye en fait de briser l’image du chanteur à l’ancienne, de briser le côté Dalida de la musique même si j’adore Dalida… La télé a fait que maintenant on sait très bien qu’un chanteur n’est qu’un pauvre type comme les autres. Les caméras sont entrées en studio, en backstage…etc Ca ne sert plus à rien de la jouer paternaliste, sérieux. Je préfère être le bon pote qu’on invite à sa table pour se marrer. L’humour permet de briser « le showbiz à l’ancienne ».
Et pourtant on entend à longueur de presse les qualificatifs d’homme génial, de génie incarné…
Sébastien Tellier : Ah oui ça c’est formidable ! Génie ça me fait très plaisir mais malheureusement c’est faux. Gainsbourg est un génie, Lenon aussi, Steevie Wonder… mais moi je ne le suis pas. Je fais juste quelque chose de bien épicé à souhait ce qui donne l’illusion du géniale. Je travail comme un taré, je réfléchis comme un malade, j’essaye de faire de mon mieux, ce n’est pas naturel, je bosse comme un fou.
Donc bosser comme un fou. Après famille, politique, sexualité, qu’est ce qu’on peut trouver de mieux ?
Sébastien Tellier : Vie éternelle…J’essaye de bosser sur ça mais je ne sais pas ce que ça va donner. J’aimerai bien faire du rnb violent… Je sais pas. Je ne sais plus du tout de quoi parler puisque je passe mes journées à parler. Je vais prendre un an de vacances au bord du lac de Guarde en Italie et je verrai, je ferais peut-être un album sur les pizzas, je ne sais pas… (rires).
L’Italie parlons-en, votre musique m’évoque Lucio Battisti… c’est un artiste qui vous a bercé ?
Sébastien Tellier : Non pas du tout car j’ai découvert Battisti il n’y as pas très longtemps, juste avant Sexuality. Ce que j’ai adoré dans sa musique, c’est qu’elle est extrêmement sincère avec un coté latin lover. Même si ça musique n’est pas très pro ce qui me touche le plus, c’est qu’il n’y ait pas de distance entre le public et le cœur de l’artiste. Cette sincèrité, cette proximité on la retrouve chez Lucio Battisti, Christophe, Gainsbourg…
Pour l’anecdote, il paraît que vous avez rencontré le groupe Air et que tout a commencé après que vous ayez vu un de leur clip ?
Sébastien Tellier : Ça faisait quatre ans que j’étais dans un appart où j’oscillais entre rien du tout et de temps en temps, quelques maquettes. Je venais de finir trois maquettes, j’étais tout content et puis je regardais la 6 la nuit à quatre heure du mat’, en bon looser… Je vois alors Sexy Boy, le clip de Air et je trouve pleins de points communs entre mes maquettes et Sexy Boy. En bas de l’écran, j’ai vu le nom de la maison disque « Source ». J’y suis donc allé le lendemain matin. J’ai eu beaucoup de chance puisque j’ai pu avoir un rendez-vous tout de suite, ce qui est très rare. Après écoute de ma maquette, on m’a tout de suite proposé un deal donc tout s’est vraiment passé en une matinée.
On imagine que tu as du avoir beaucoup de réactions féminines via les blogs, myspaces et autres. Est ce que tu pourrais nous en livrer quelques unes ?
Sébastien Tellier : Celui qui revient beaucoup c’est baise-moi ! Vraiment ! C’est très direct, c’est très bien… Mais je suis très fidèle, j’ai une petite amie, je suis amoureux donc je ne profite de rien, malheureusement mais c’est comme ça. Sinon souvent c’est « ah tient il est craquant ! » « il est chou » j’hallucine complètement, j’ai l’impression que les femmes me voient comme un jeune hamster…
Un jeune hamster ?
Sébastien Tellier : Ouais il y a ce feeling… Le côté j’ai envie de te tirer la barbe, de te faire un bisou…
Justement ta barbe, tu dis que c’est une part de mystère et les lunettes, la sophistication… Le pantalon banc c’est pourquoi ?
Sébastien Tellier : La vie facile !
Qu’est ce que le plus dur à enlever ?
- (un autre journaliste) Les taches de sauce tomate ?
Sébastien Tellier : Oui j’en ai partout ! (rires) Ça fait trois jours que je le porte celui-là ! Sinon, virer ma barde ça serait chiant mais un jour je le ferais puisque j’ai envie de me renouveler à chaque album puisqu’il n’y pas d’intérêt à en faire un nouveau s’il n’y a pas quelque chose de neuf. Et puis, par exemple, si je veux être réinvité chez Cauet, qu’est ce qu’il faut que je fasse ? Je me rase la barbe et ça va ! « Ohooh avec son nouveau visage : Sébastien Tellier ! » (il imite Cauet). Enfin, on verra…
Pour revenir sur la musique, est ce que tu penses que la musique electro suit une bonne évolution ?
Sébastien Tellier : C’est la seule musique qui peut évoluer puisqu’elle est en connection directe avec la technologie, qui évolue tout le temps. Dès qu’il y a du nouveau matériel, la musique électronique évolue aussi. Tandis que les autres genres comme la folk, le rock, le reggae, la variété, la salsa… n’évoluent pas.
Vous avez fait l’acteur dans 4 films, le cinéma est quelque chose qui vous intéresse ?
Sébastien Tellier : J’adore le cinéma et j’aime bien les musiciens qui font de la musique comme on fait un film. Avec un début, une fin, des surprises pendant l’album… Et pour faire de bons films, les règles de la musique s’appliquent : du feeling, de l’instinct, de l’énergie… Je trouve que c’est bien de faire son art avec les règles d’un autre.
Votre compagne vient du cinéma, l’avez-vous incité à partager votre univers ?
Sébastien Tellier : Ça c’est le côté romantique du truc. J’aime bien intégrer mes petites amies à mon univers. J’essaye de ne pas faire de différence avec ma vie artistique et ma vie normale. La vie est un terrain de jeu pour moi. Le retour à la réalité, il n’y a rien de pire, c’est comme une descente sous acide.
Et ton terrain de jeu, est qu’on peut en avoir une description ?
Sébastien Tellier : Tout le monde veut vivre dans un monde à son image. Alors pour ça, ce qu’il faudrait c’est m’acheter une île et vivre dessus tout simplement. Je créerai alors le grand parc d’attraction pour adultes où on pourra faire des crash d’avions mais sécurisés, détruire des pharmacies à la batte et aller dans des maisons closes sans maladies… (il prend une inspiration et sourit à l’avance) et SANS capotes ! Un paradis sur terre !
Comme le ranch de Michael Jackson ?
Sébastien Tellier : Voilà ! Mais en moins dark ! Et puis pour adultes, pas pédophiles.
Tu as participé au dernier opus de Daho, c’est quelqu’un que tu apprécies ?
Sébastien Tellier : J’aime beaucoup Daho. Les mecs que je vénère le plus sont les mecs mi-homme, mi-femme. Jaeger, Bowie, Prince, Daho, Polnareff, Christophe..
Tu parles de Christophe…
Sébastien Tellier interrompant : Christophe Willem ! (rires)
Et parlons alors du Bevilacqua, avec qui on peut faire des liens avec ses albums et les tiens. Il travaille lui aussi beaucoup ses morceaux…
Sébastien Tellier : A la recherche du rêve… à l’antithèse de la « street-music ». J’essaye de faire de la musique des étoiles. Christophe fait ça aussi, il est dans le rêve à fond. Pour composer Sexuality, j’ai tout fait les yeux fermés. J’ai aussi pensé à Christophe, je lui ai un peu volé son personnage pour créer l’album. Pour moi c’est un dieu. Il dépasse même Gainsbourg, qui fait quelque chose de plus concret, poésie de rue. Tandis que Christophe laisse son esprit divagué, c’est fabuleux.
On a beaucoup dit que tu avais le look de Chabal, « Le Chabal de la musique », qu’en penses-tu ?
Sébastien Tellier : Je trouve que je suis quand même un peu plus stylé que Chabal… surtout niveau fringues. (rires) Je le trouve très beau, avec son côté Dieu Grec. Quand j’étais ado, je faisais beaucoup de muscu et quand j’ai vu Chabal, j’ai regretté d’avoir arrêté. Je suis assez jaloux, je le trouve plus beau que moi.
Que s’est il passé après la Ritournelle ?
Sébastien Tellier : Alors oui la Ritournelle… La Ritournelle ! (il feint de chercher dans son esprit) C’est la seule chanson de Politics, album bourré de réflexions, très mauvaises d’ailleurs, que j’ai fait sans réfléchir. Bon après la Ritournelle a bien pris, la batterie de Tony Allen : chan-mé ! L’orchestre philharmonique de Sofia : chan-mé ! Cool tout ça mais il y a encore pleins d’autres trucs à explorer. « L’amour et la violence » sur Sexuality a le même pouvoir émotionnel, elle va même plus loin. La Ritournelle m’a permis d’arrêter de me poser trop de questions, ce qui m’a amené à Sexuality, un album plus « easy », dénué de réflexions. Ca a été le point de départ de ma nouvelle carrière.
FESTIVAL PANTIERO :
- Live Report Samedi 9 Août
- Live Report Dimanche 10 Août
- Live Report Lundi 11 Août
Propos rapportés par Antoine C.
Photos : Camille R. et Antoine C.
No Comments, Comment or Ping
Reply to “Sébastien Tellier”
Articles similaires
♦ Pantiero, Day II - Pantiero, Day II
4 octobre 2008
♦ Surkin - Surkin
11 août 2008
♦ Sébastien Schuller - Sébastien Schuller
17 janvier 2010
♦ Joakim - Joakim
8 février 2009
♦ Mondkopf au Grand Palais - Mondkopf au Grand Palais
17 octobre 2009