Le Fond et La Forme

Cosmo Vitelli

Ecrit par : LF&LF

Créateur du label I’m a Cliché, Cosmo Vitelli déambule maintenant depuis plusieurs années de soirées en studios, tantôt dj, tantôt producteur. Dernièrement, c’est à Reims, dans le cadre du festival ELEKTRICITY, qu’il est venu passer des cd. L’occasion d’en savoir plus sur son dernier projet, Bot’Ox, mais aussi de recueillir son point de vue de patron de label à propos d’une scène électronique en pleine expansion.






LF&LF : Tu joues ce soir à Reims, dans le cadre de la dernière soirée d’ELEKTRICITY, le festival initié par Yuksek, dont tu es l’un des premiers, avec ton label I’m a Cliché, à l’avoir signé en 2006… que de chemin parcouru depuis !

Cosmo Vitelli : Je ne sais pas si c’est moi qui ai sorti son premier maxi mais en tout cas c’est l’un de ses premiers qui est sorti sur I’m a Cliché. Les choses vont vite. Il y a quelques années, 3 ans je crois, j’ai joué à Reims dans une soirée où Yuksek était aussi dans les parages… Je me rappelle qu’il y avait des mecs au premier rang qui s’amusait à reconnaître les morceaux que je passais. Parmi eux, t’avais Brodinski. C’était il y a 3 ans, tout va très vite… plus vite qu’avant j’ai l’impression.

LF&LF : A ce propos, comment as tu vécu ces dernières années l’émergence de cette nouvelle scène électronique, qui a connu une très forte médiatisation ?

Cosmo Vitelli : C’est un peu sans précédent, même s’il y a eu une génération French Touch précédente, là on est passé vraiment à quelque chose d’autre. Tu as des gens comme Brodinski qui, sans être producteur renommé mais en étant seulement dj, arrive à générer beaucoup de choses. Il y a beaucoup d’image derrière… C’est le propre de cette nouvelle génération, où l’image a pris des proportions hyper importantes.

LF&LF : Trop tu crois ?

Cosmo Vitelli : Faut s’adapter… Trop ? Je pense que oui mais après il y a de la place pour tout le monde. Il y a aussi des gens qui se retrouvent davantage dans une façon plus discrète de gérer leur image, avec un travail plus en profondeur. Il faut juste trouver le truc avec lequel t’es à l’aise, je pense. Je n’ai pas leçon à donner à propos de ça. Il y a des gens qui veulent absolument devenir des pop stars, ils ont raison et je n’ai rien contre eux du tout.

LF&LF : L’essor de cette scène, la French Touch 2.0 comme on a pu dire ici ou là, a aussi vu l’explosion de certains labels, Kitsuné ou encore Ed Banger, qui eux aussi ont été très médiatisés. En comparaison, I’m a cliché, qui compte notamment parmi ses signatures Simian Mobile Disco ou encore Yuksek, semble être resté dans l’ombre.

Cosmo Vitelli : Je voyage beaucoup et on n’arrête pas de me parler d’Ed Banger comme si j’étais censé avoir un point de vue dessus mais je m’en branle tu vois. Je les aime bien, je les connais depuis très longtemps mais ça va, il n’y a pas que 3 labels sur Terre. Il n’y a pas que 5 artistes… Les gens sont persuadés qu’il y aurait une souffrance à ne pas être à la place d’Ed Banger ou je ne sais quoi mais je n’ai pas du tout l’impression d’être dans cette situation. Je sors des disques dont je suis assez fier, dont je sais très bien quelle place ils peuvent trouver en terme de public et mine de rien, ça a tendance à se développer, surtout depuis un an et demi. Donc voilà, ce n’est pas la même chose, ça ne s’adresse pas à un même public, qui n’a probablement pas exactement le même âge. Je ne recherche pas exactement la même chose dans la musique. On ne poserait pas une question pareille sur des groupes de rock, enfin peut être qu’en France si… On dirait qu’il y a un truc concurrentiel, avec des gens dans l’ombre… l’ombre de quoi déjà. A l’heure d’internet, j’ai l’impression que les choses sont plus transnationales. Mes connexions se font au delà du fait que 2 ou 3 arrondissements plus loin, il y ait Kitsuné ou Ed Banger. Ce ne sont pas vraiment mes réseaux.

LF&LF : Je posais cette question parce qu’aujourd’hui tu as des labels autant médiatisés que leurs artistes. L’ascension de ces labels, et leur notoriété, semble être équivalente à celles de leurs artistes, si bien qu’à la fin les frontières entre artiste et label se brouillent. En signant Simian ou Yuksek, qui sont aujourd’hui des valeurs sures et reconnues, I’m a cliché, et je dis ça sans reproche, aurait pu connaître la même ascension.

Cosmo Vitelli : On a sorti des disques de Yuksek et Simian mais à côté je suis producteur et dj. J’ai la prétention de développer mon label mais ça a mis du temps pour se structurer. Aussi, faut faire gaffe avec la culture de la réussite instantanée (il claque des doigts)… Moi je suis là pour développer un truc sur la durée. Je ne peux pas me mentir et dire à Simian Mobile Disco : on fait un album, on sort 5 maxis, on fait un contrat etc… Je ne peux pas. Je sais très bien que s’ils sont talentueux comme je le pense, ils vont trouver d’autres labels dans la foulée. Ça me pose aucun problème.

LF&LF : Pour continuer sur ton label, sur quels projets travailles tu actuellement ?

Cosmo Vitelli : On essaye de se recentrer sur les gens qui sont dans notre entourage, des gens avec qui on a beaucoup bossé. Il y a eu la sortie du maxi de Runaway et puis là, j’ai mon projet : Bot’Ox.

LF&LF : Qu’en est il justement de ce projet ?

Cosmo Vitelli : Bot’Ox est un duo que je forme avec Julien Briffaz, qui faisait partie du groupe [T]ékël. On essaye de ne pas s’en tenir à une forme classique de musiques électroniques, en mettant pas mal d’instruments. Je joue de la guitare, de la basse, lui est batteur et on improvise beaucoup. Julien a un gros studio professionnel à lui à Paris qu’on utilise. C’est le genre de conditions quasi absurdes pour ce genre de projet, il y a beaucoup de matériel et on fait de la musique que finalement beaucoup de gens feraient avec un laptop

LF&LF : Un gros kif de musicien…

Cosmo Vitelli : Ouais, c’est super. Assez irréel mais super. Du coup, on peut être ambitieux, du moins artistiquement en tout cas, sur des sorties, pas confidentielles mais pour lesquelles on ne fait pas non plus énormément de marketing.

LF&LF : Derrière ce projet, y a-t-il la volonté de sortir un album ?

Cosmo Vitelli : Oui mais on prend beaucoup de temps. Les morceaux sont super compliqués, on improvise super longtemps, on met plein de setups en place, beaucoup d’effets en série, plein de prises de son. Après, on essaye de rendre le truc cohérent et fluide. J’ai l’impression qu’on y arrive pas trop mal jusqu’à présent mais on passe des mois sur chaque morceau, ce qui est une absurdité en termes de rentabilité économique (rires) mais on a passé l’âge d’être obsédé par la rentabilité ou plutôt on pas encore l’âge d’y penser.

LF&LF : L’expérience artistique avant tout ?

Cosmo Vitelli : Voilà, ça fait du bien de penser à ça avant tout. C’est là où on en est.

LF&LF : Qu’est ce qu’on peut te souhaiter alors pour les années à venir ?

Cosmo Vitelli : De trouver le temps de faire assez de musique. Je suis tellement actif que c’est le seul truc que tu peux me souhaiter, le reste ça me va. Je joue beaucoup comme dj, dans plein d’endroits supers mais par contre je ne fais pas assez de musique parce que je m’occupe aussi de mon label, même si je suis entouré d’autres personnes. Le week-end dernier, j’ai fait l’aller-retour à Montréal, je suis resté 24 heures sur place, sans dormir pendant 2 jours donc après faire de la musique dans la foulée, c’est là où le bat blesse. Le label, c’est un outil dément pour diffuser la musique qu’on s’amuse à faire. C’est un luxe. Je vois des labels fermer boutique et au final, je me dis qu’on s’en sort pas mal, en sortant les disques que l’on veut sortir, sans trop se poser de questions.

ITW : Antoine C.
Photo : DR

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